Né le 25 septembre 1882 à Paris, Charles Simon n’a pas attendu de rejoindre la FGSPF du bon docteur Michaux pour contribuer à l’expansion du football parisien. Entré très jeune au patronage de l’église Saint-Honoré d'Eylau où l’abbé Biron fait déjà de la balle au pied un élément fort de la vie paroissiale des jeunes du quartier, il y est vite devenu un fervent animateur, voire un des spécialistes de son temps.
LA FGSPF
Compte-tenu de ses motivations et bien que bon paroissien, on peut supposer que Charles Simon n’a pas adhéré tout de suite à cette fédération gymnique au sigle compliqué[1] qui voit le jour en 1898 avec le docteur Michaux à sa tête alors qu’il n’a que 16 ans. Son engagement un peu plus tard, alors qu’elle est devenue Fédération des sociétés catholiques de gymnastique (FSCG), n’est pas non plus dénué d’arrière-pensées : comme beaucoup de clubs parisiens, il a de bonnes raisons de ne pas être satisfait des services de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) où il siège pourtant à la commission de football.
Avec lui, la FSCG s’enrichit vite d’une commission identique et, le 14 décembre 1903, elle marque sa volonté d’élargir son champ en troquant son sigle pour celui de Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF). Le très actif Charles Simon ne tarde pas à y prendre du galon et en assure le secrétariat général dès 1905, en binôme avec Léon Lamoureux puis rapidement seul. Il a alors 23 ans. Engagé quatre ans plus tard à plein temps par la FGSPF, il y reçoit une rémunération de 3000 francs par an, devenant ainsi l’un des premiers dirigeants permanents appointés du monde sportif. Il a alors déjà largement infiltré la vie sportive parisienne.
LA DEFENSE DU FOOTBALL
Dès 1904, il organise un championnat de France de football des patronages remporté par l'Étoile des Deux Lacs qu'il préside et qui récidive en 1906, 1907, 1911, 1912, 1913. En relations étroites avec Pierre de Coubertin, il siège au sein de l’équipe dirigeante de l’USFSA où son intérêt particulier pour le football le conduit à réagir contre l’inertie de celle-ci en créant le Comité français interfédéral (CFI) en 1907.
Créé en principe pour fédérer tous les organismes inquiets ou mécontents de l’attitude hégémonique de l’USFSA, ce CFI accueille rapidement la Fédération cycliste amateur de France, la Fédération athlétique amateur, la Fédération cycliste et athlétique de Lyon et du sud-est, la Fédération athlétique du sud-ouest …. Mais, dès la première année, le trophée de France, véritable championnat de football du CFI, est organisé à Mérignac. Pierre de Coubertin, qui entretient d'excellents rapports avec Simon, le dote d'un trophée comparable au bouclier de Brennus offert quelques années plus tôt au championnat de France de rugby à XV. Opposant les champions de chacune des fédérations adhérentes, il est remporté par l'Étoile des Deux Lacs qui récidive en 1912.
En 1908, l'USFSA commet l’erreur politique de se retirer de la Fédération internationale de football association (FIFA) et Simon en profite pour y obtenir l’adhésion du CFI qui devient le seul organisme à y représenter la France. Il fédère alors tous les défenseurs du football et reçoit en 1912 le renfort d’ un autre chrétien social, Jules Rimet[2]. Fondateur en 1910 d’une éphémère Ligue de football association (LFA), celui-ci rejoint immédiatement le CFI quand Simon décide de limiter son champ au seul football. L’année suivante, l’USFSA elle-même se voit donc contrainte de solliciter son adhésion auprès de son ennemi historique pour conserver les associations toujours attachées au foot qui ne l’ont pas encore quittée.
Le siège du CFI[3] est alors celui de la FGSPF, 5 place Saint Thomas d’Aquin à Paris : c’est là que sont créées le 5 janvier 1917 la coupe de France de football et, deux ans plus tard, la Fédération française de football-association dont Charles Simon est bien le véritable précurseur.
LA DEFENSE DE L’EGLISE
Mais il ne se contente pas de cela : dans ses nouvelles fonctions, le militant chrétien qu’il est doit aussi gérer au mieux la crise provoquée par la séparation des Églises et de l’État, qui prend un tournant particulier dans le monde sportif avec le déplacement des patronages aux concours du Vatican. Il les incite alors vivement à se mettre à l’abri derrière le statut de la loi de 1901[4], soutenu en cela par un autre grand nom du football, le mythique abbé Deschamps, qui n’a pas attendu ses consignes pour y soumettre l’Association de la jeunesse auxerroise 20 jours après la promulgation de la loi de 1905. Pour équilibrer la représentativité de la trop parisienne FGSPF, il crée également des Unions régionales, où il fédère des structures dont la date de création remonte parfois à celle la fédération elle-même, telle la Fédération des sociétés catholiques du Rhône et du sud-est. Grâce à son exploitation judicieuse de la conjoncture la FGSPF, qui affiliait 13 clubs à la fin de l’année 1898, en comptabilise 1504 en 1914[5].
Accaparé par son service hospitalier, Paul Michaux lui délègue aussi largement les relations internationales. Aussitôt nommé au secrétariat général de la FGSPF, il la représente à Rome du 5 au 8 octobre 1905 au congrès sportif organisé à l'initiative du Vatican auquel participent 900 gymnastes, dont des délégations étrangères que Pie X invite vivement à revenir. En dépit de l'hostilité des pouvoirs publics français et celle de l'USFSA, Charles Simon veille à ce que ce vœu soit exaucé en incitant dès l’année suivante nos associations à répondre à l’appel de la jeune Fédération des associations sportives catholiques italiennes (FASCI).
Peut-être pour limiter les désagréments, il s’engage à organiser en 1909 le second rassemblement à Nancy qui a déjà accueilli remarquablement notre concours de 1907 aux limites des territoires occupés par l'Allemagne. Mais la coalition des anticléricaux fait échouer l'initiative et ce n'est qu'en 1911 que l'événement a bien lieu avec 10.000 gymnastes participants. Les huit nations présentes ou représentées y créent une Union internationale des œuvres catholique d'éducation physique (UIOCEP), ancêtre de la FICEP.
Mario di Carpegna, dignitaire laïc du Vatican, est élu président et Charles Simon secrétaire général-trésorier. Il lui revient dès lors de veiller à la bonne administration de l'institution dont les statuts sont adoptés à Rome les 14 et 15 décembre 1911 et, aux confins de l’année 1913, une première assemblée générale se tient dans la même ville. La qualité de son engagement est reconnue par le Vatican qui lui décerne la croix de Saint-Sylvestre.
HEROS DE GUERRE
Le 15 juin 1915 est une journée noire pour le sport français. Georges Hébert est grièvement blessé à Écurie lors des combats du Labyrinthe et Charles Simon, matricule 014750 au 205e régiment d’infanterie, y tombe au champ d’honneur. Le 18 juillet, la FGSPF regroupe en l'église Saint-Thomas-d'Aquin un parterre d'autorités civiles et religieuses alors que la fanfare de l'Union athlétique du Chantier sonne le service devant les drapeaux d’une quarantaine d’associations.
D'un commun accord avec le CFI, la FGSPF donne le nom de Charles Simon à la nouvelle coupe de France de football et le docteur Paul Michaux offre l'objet d'art qui y reste toujours associé. En 1923, la médaille militaire est remise à titre posthume à Charles Simon, apôtre du sport catholique et héros de la Grande Guerre, qui a bien mérité du football français.
La Comission Histoire et Patrimoine
[1] Union des sociétés de gymnastique et d’instruction militaire des patronages et œuvres de jeunesse de France (USGIMPOJF).
[2] Rédacteur d’une revue progressiste, Rimet la fusionne en 1899 avec ''Le Sillon'' de Marc Sangnier.
[3] Qui a choisi comme emblème le coq gaulois, repris depuis par d'autres instances et redevenu récemment d’actualité.
[4] Le plus souvent sous un autre nom que celui du patronage : ainsi le patronage Saint-Joseph d’Auxerre devient dès le 29 décembre 1905 l’Association de la Jeunesse Auxerroise.
[5] Contre 1100 à l'USGF et 1700 l'USFSA.
Vous pourrez retrouver ce portrait dans le journal « Les Jeunes » n° 2548, tout juste sorti.