Vincent Roger, le délégué ministériel en charge de la grande cause nationale de 2024 détaille ce que doit être l'héritage immatériel des Jeux de Paris dans les habitudes de vie des français.
QUELLE EST LA LIGNE DIRECTRICE POUR CHANGER LES MENTALITÉS ET LES COMPORTEMENTS AFIN DE FAIRE DE LA FRANCE UNE NATION SPORTIVE ET DE SPORTIFS ?
La France est une nation qui aime le sport, ne serait-ce que dans la mesure où c’est le premier secteur d’engagement des Français. Par ailleurs, 25 % des associations sont des associations sportives. Sans compter près de 17 millions de licenciés et 3,5 millions de bénévoles. À cela s’ajoutent, ces derniers temps, d’excellents résultats sportifs, avec une génération d’exception, que ce soient les frères Lebrun au tennis de table, Kylian M’Bappé au football, Léon Marchand en natation ou Victor Wembanyama au basket. L’objectif de figurer dans le top cinq des nations les plus médaillées aux JO et aux JOP est donc atteignable.
SOIT, MAIS, SUR LE TERRAIN, QU’EST-IL PRÉVU ?
Parallèlement, et c’est là toute l’ambition que nous avons, 2024 doit marquer un tournant historique quant à la place du sport dans notre société. Premièrement, il s’agit de renforcer son rôle sociétal parce qu’il est un outil remarquable, utile et efficace en termes d’inclusion, d’éducation, d’intégration et de santé publique. On contribuera à faire définitivement de la France une grande nation sportive au-delà des résultats et de l’engagement populaire grâce à deux choses. Tout d’abord, en incluant plus de sport à l’école et à l’université. D’où la généralisation du dispositif 30 minutes d’activité physique quotidienne en primaire, mais aussi le triplement du nombre de places en sport-études ou le plan Génération 2024 avec l’ambition de soutenir l’implantation d’équipements de proximité en lien avec des projets pédagogiques. Par ailleurs, nous mobilisons beaucoup d’acteurs à l’université, où 40 % des étudiants ne font aucun sport, pour y renforcer la place de ce dernier, notamment via la création, à la rentrée prochaine, des villages sports et l’organisation de challenges inter-étudiants. Le deuxième axe est de mettre fin à un héritage cartésien prégnant qui a nourri nos élites intellectuelles depuis des siècles, même s’il est peut-être moins fort aujourd’hui. En l’occurrence, cette volonté d’opposer le corps et l’esprit. C’est le moment de donner raison à Pierre de Coubertin qui, en 1896, disait qu’il était temps de réconcilier, par un légitime mariage, deux anciens divorcés que sont le muscle et l’esprit. Enfin, il convient d’accepter que le sport soit l’égal de la culture parce qu’il en est une expression. Comme elle, il génère des émotions, il véhicule des valeurs, il unit les générations et cimente les citoyens entre eux.
COMMENT FAIRE POUR QUE CE CHANGEMENT DE PARADIGME SOIT PÉRENNE ET QUE LE SOUFFLET NE RETOMBE PAS DANS LES DEUX ANS QUI SUIVRONT LES JEUX ?
C’est tout l’objet de l’intronisation du sport comme Grande cause nationale, laquelle est l’outil pour valoriser l’héritage immatériel des Jeux et la place du sport dans notre société. Elle recèle en effet trois objectifs. Tout d’abord, placer le sport au coeur des politiques publiques de l’interministérialité et du Pacte républicain. On mise sur la force du sport pour contribuer à régler les problèmes sociétaux. Ensuite, mobiliser toutes les forces vives pour que chacun se sente concerné, le sport ne devant pas n’être que l’affaire du mouvement sportif mais l’affaire de tous (pouvoirs publics, institutions, monde de l’entreprise, etc.). Enfin, inciter les Français à faire davantage de sport parce que c’est ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Nous voulons que, d’ici la fin de l’année, tous les Français soient conscients que trente minutes d’activités physiques quotidiennes sont indispensables et qu’ils y tendent progressivement, car c’est bon pour leur santé, leur moral, leur bien-être et leurs enfants.
LE SPORT GRANDE CAUSE NATIONALE EST DONC LA PIÈCE MAÎTRESSE DE TOUT CET ARSENAL ?
Deux motifs justifient son instauration. Tout d’abord, mieux faire connaître aux Français les nombreux bienfaits du sport, qu’il s’agisse de la structuration physiologique des enfants, de générer du lien social, de lutter contre la solitude, ou encore d’améliorer la santé de chacun d’entre nous dans le cadre de la prévention primaire. La seconde raison est l’urgence sanitaire, avec l’explosion de la sédentarité suite d’une part, à l’épidémie de Covid-19, laquelle a changé nos habitudes de vie ; d’autre part à la révolution digitale puisque l’on fait beaucoup plus de choses en distanciel, y compris ses courses. Nous sommes face à un tsunami sociétal et nous sommes collectivement assis sur une bombe à retardement. Ainsi constate-t-on, par exemple, que des jeunes souffrent de pathologies qui ne touchaient, autrefois, que les adultes, comme le diabète de type 2. Les chiffres sont extrêmement préoccupants. 95 % de la population est en situation de fragilité sanitaire du fait d’une trop grande exposition à la sédentarité.
De même, 80 % des adolescents se situent en dessous des seuils recommandés par l’OMS en termes d’activités physiques et sportives, tandis que 50 % des 6-17 ans vivent dans une précarité sanitaire du fait d’une trop grande exposition aux écrans. Pour toutes ces raisons, il est urgent de faire bouger les lignes et… les Français. Et ce, afin de faire nation par le sport.
COMMENT FAIRE ?
En multipliant les lieux et les atmosphères où les Français peuvent faire du sport. Il y a le sport encadré, en club, que bien sûr nous soutenons, par exemple via le Pass’sport. Mais il est aussi nécessaire de développer le sport en entreprises dont seules 13 % proposent à leurs salariés des activités sportives. Le but est également d’inciter la population à faire du sport en famille. Le sport comme Grande cause nationale va déboucher sur la multiplication des initiatives afin de montrer qu’il est possible de faire du sport dans différents endroits.
À travers cela, il y a la volonté d’encourager la pratique d'activité physiques par des publics qui en sont les plus éloignés. A savoir, les femmes, les personnes en situation de handicap, les étudiants et les seniors. Cependant, les fondations de cette révolution culturelle - et je dirais même philosophique - se construisent à l’école.
Article issu du journal Les Jeunes disponible ici.