JOP 2024 : Les Jeux d'une nouvelle ère

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Paris 2024, des Jeux Olympiques seulement en France ou véritablement made ine France ? Il semble que le comité d'organisation (COJO) ait eu la bonne idée de privilégier la seconde option. On ne s'en plaindra pas.

 

Ces Jeux sont des JO made in France dans leur conception, assure Éric Monnin, Directeur du Centre d’études et de recherches olympiques universitaires (CEROU) au sein de l’Université de Franche-Comté. Une assertion qui a impliqué de répondre, en amont, à une question fondatrice : que souhaite-t-on faire des Jeux en termes d’héritage matériel et immatériel ?

C’est d’ailleurs à ce dernier que la primauté a été donnée. Il a, au demeurant, été pensé uniquement dans le sens de l’intérêt général. La France a mis le paquet sur cet aspect car elle était désireuse de privilégier l’impact sociétal et de révolutionner les comportements, confirme Éric Monnin. Si bien que la chose se décline sous la forme de mise en place de programmes d’actions tel 30 minutes d'activité physique quotidienne  à l'école qui vise à faire se dépenser tous les enfants dont, on le sait, une part importante est aujourd’hui séduite par les sirènes de la sédentarité, et est donc davantage exposée aux dangers connus de l’obésité. L’inclusion des femmes ou des personnes en situation de handicap a également été régie au rang de priorité.

On est la dans le développement durable

Pour ce qui est des réalisations concrètes, on a délibérément très peu bâti, insiste Éric Monnin. Et quand on l'a fait, c’était uniquement à condition que cela réponde expressément à un besoin pérenne et prégnant pour la population. Cela a été le cas, par exemple, pour le centre aquatique olympique à Saint-Denis, à l’heure où plus d’un enfant sur deux de Seine-Saint-Denis ne sait toujours pas nager à son entrée au collège ; ou encore du village olympique, qui va venir abonder le parc immobilier du département à hauteur de trois mille logements supplémentaires.

En effet, il faut savoir que la construction de structures en béton alourdit le bilan carbone en raison de la présence d’activateurs qui chauffent le béton afin de réduire le temps de séchage. En clair, on se trouve là en plein dans le développement durable élevé au rang de sacro-saint principe intangible. Un leitmotiv qui va jusqu’à impliquer la diffusion télévisée des Jeux. Là, finis les générateurs qui carburent vingt-quatre heures sur vingt-quatre au diesel. Place aux connexions directes au réseau électrique.

 

Une feuille de route de l'olympisme passablement refondue

En somme, les Jeux de Paris de 2024 sont les Jeux d’une nouvelle ère. En effet, la période allant de 1896 à 1936 a été celle de l’ère d’institutionnalisation du système ; celle de 1936 à 1984, d’une ère politique marquée notamment par les Jeux de Berlin et les différents boycotts ; celle de 1984 à 2000, d’une ère économique avec une importance accrue du business ; enfin, depuis 2000 et les accords de Kyoto, nous sommes dans l’ère écologique. Avec, à la clef, une feuille de route de l’olympisme passablement refondue, qui promeut avant tout des Jeux à taille humaine.

Ainsi, le nombre d’athlètes qui seront présents à Paris sera le même que celui des Jeux de 1996. C’est la première fois que l’on assiste à une telle récession.

Quant à la représentation iconique et visuelle de la France aux cours des Jeux olympiques et paralympiques, quelle sera-t-elle, notamment lors des cérémonies d’ouverture et de clôture ? À ce jour, nul ne le sait, mais il y a fort à parier que si leurs concepteurs s’attachent, d’une manière ou d’une autre, à retracer l’histoire du pays et à en vanter les valeurs humanistes, ils éviteront de tomber dans l’écueil de le donner à voir dans une dimension franchouillarde passablement éculée.

Carole gomez : assistante diplômée en sociologie du sport à l'université de Lausanne et ancienne directrice de recherche à l'institut internationales et stratégiques

Quels bénéfices les JOP sont-ils susceptibles d’apporter à la France, notamment sur le plan géostratégique ?

Le fait d’accueillir des grands événements sportifs internationaux est un élément parmi d’autres de la diplomatie sportive. Laquelle varie, bien sûr, selon les pays. Schématiquement, cela peut se résumer par trois axes : l’image à l’international, l’enjeu national et le développement économique. Dans le cas de la France, il s’agit de consolider son rayonnement sur la scène internationale et d’être, autant que faire se peut, au coeur des débats, tout en projetant une image si possible positive et dynamique du pays à l’étranger. À cela s’ajoute la volonté de le faire évoluer en mettant l’accent sur l’aménagement du territoire, la construction et la rénovation d’infrastructures, mais également sur l’héritage immatériel afin de placer le sport au coeur de la vie du pays pour qu’il soit plus présent dans le quotidien des Français. Et ce, à tous les niveaux, que ce soit à l’école, au travail, pour les seniors ou les personnes en situation de handicap. E

n somme, l’objectif est d’embarquer la population dans un projet global censé lui être bénéfique. Troisième point, l’aspect économique. Là, le but est de booster les entreprises et les partenaires afin qu’ils développent leurs marchés, renforcent leurs coopérations et montrent leur savoir-faire.

Comment quantifier tous ces items ?

C’est là que le bât blesse. Il est, aujourd’hui encore, extrêmement compliqué d’évaluer l’impact de tous ces objectifs. Prenons l’exemple de l’image de la France à l’international. Comment évaluer si, après les JOP, elle aura été améliorée ? Quels indicateurs regarder ou lesquels créer ? Certes, des données économiques permettront de savoir si les JOP auront été profitables. En revanche, du point de vue social et international, il sera beaucoup plus ardu de le démontrer. Il faudra travailler pour étayer les discours sur ces sujets. Même chose en ce qui concerne les autres visées énoncées précédemment et l’héritage immatériel. On ne pourra en faire le bilan que plusieurs années après les Jeux. Cela dépendra aussi des choix qui seront faits. Par exemple, que deviendra le label Terre des Jeux après les JOP ?

Quid de la position de la France sur la scène internationale au cours de l’évènement ?

Pendant une double quinzaine, ainsi que bien des mois en amont de l’évènement, la médiatisation est quasi-permanente pour le pays hôte. Sa politique intérieure comme extérieure est scrutée, dans un contexte international actuel pour le moins complexe. Toutefois, concernant le bilan diplomatique, on pourra répondre à cette question à l’issue des Jeux en fonction de la manière dont ils se seront déroulés, des réunions et discussions formelles et informelles qui se seront tenues pendant la compétition. Il est essentiel de garder en tête que ces évènements sont le prétexte de visites de chefs d’État et de gouvernement, lesquels assistent aux cérémonies d’ouverture et de clôture. Il faudra voir s’ils resteront sur le territoire, s’ils rencontreront des responsables de partis politiques, etc. Et si, le cas échéant, cela débouchera sur des projets concrets. Une chose est sûre : il sera essentiel d’avoir montré une image positive, accueillante et unie sur un certain nombre de sujets

Article issu du journal Les Jeunes hors-série spécial Jeux olympiques et paralympiques disponible ici