Après une année de report, la ville de Tokyo accueillera les Jeux olympiques du 23 juillet au 8 août, et les Jeux paralympiques du 24 août au 5 septembre. Les épreuves de la XXXIIe Olympiade s’y enchaîneront à l’ombre de la Covid, avec des mesures sanitaires inédites dans l’Histoire.
L’événement le plus suivi au monde aura bien lieu au pays du soleil levant, 5 ans après les JOP d’été de Rio. Pour rappel, le Japon avait déjà organisé les Jeux olympiques en 1964 - une première pour le continent asiatique. Plus récemment, il a posé sa candidature suite à l’année noire de 2011 où un tsunami dans la région de Tohoku a eu des conséquences catastrophiques. À travers ces Jeux, le Japon avait comme objectif de reconstruire cette partie du pays et redonner espoir aux habitants de toute cette région.
Si ce report des Jeux est inédit dans l’Histoire, l’histoire des JO est loin d’être un long fleuve tranquille. Les JO ont été annulés en 1916, 1940 et 1944 à cause des guerres mondiales. En 1972, lors des JO de Munich, des terroristes palestiniens ont pris en otage et assassiné 11 membres de la délégation israélienne. Plus près de nous, en 2016, c’était un autre type de virus, le virus Zika, qui avait inquiété les organisateurs des Jeux brésiliens.
Malgré les risques sanitaires liés à la Covid et la forte réticence du peuple japonais, dont l’une des plus grandes peurs est que les JO deviennent la porte d’entrée à l’arrivée de nouveaux variants sur le territoire, les JO auront bien lieu. Du côté des mesures sanitaires, l’objectif est que 80% des athlètes soient vaccinés à leur arrivée. Quant au public, on sait aujourd’hui qu’il n’y aura pas de spectateurs étrangers : Les équipes d’organisation sont plus que malmenées par cette question de crise sanitaire et sont contraintes d’adapter leurs dispositifs sanitaires en permanence. Par exemple, il y aura des restrictions importantes en termes de déplacement et les délégations étrangères seront restreintes. Mais si on se place du côté des athlètes, il était difficile d’imaginer une annulation des Jeux après une année de report. Pour la plupart d’entre eux, les Jeux sont l’événement majeur d’une carrière ou même le point culminant, raconte Gladys Bézier, directrice déléguée en charge de l’Académie Paris 2024.
Malgré ce contexte, les Jeux olympiques et paralympiques restent une très belle vitrine pour développer la pratique sportive et faire naître des vocations, pour des personnes valides ou souffrantes d’un handicap. Gageons qu’ils fassent rêver des millions de jeunes à l’instar des éditions précédentes.
Les JO de Tokyo en chiffres:
- 33 sports représentés dont 5 nouveaux : le surf, le karaté, le skateboard, l’escalade et le softball
- 42 sites de compétition dans tout le Japon
- Le stade olympique a été construit à partir de bois provenant des 47 préfectures du Japon
- 200 nations seront présentes
- 339 épreuves
- 11 000 athlètes attendus
Ils nous racontent les Jeux…
Bastien Auzeil, un décathlonien hors pair
Bastien Auzeil a seulement 31 ans mais cela fait déjà 20 ans qu’il pratique l’athlétisme et 10 ans que le jeune Grenoblois s’adonne au décathlon - cette discipline qui englobe 10 épreuves d’athlétisme combinées - à haut niveau : Je suis tombé dedans quand j’étais petit car mes parents sont athlètes. Ma mère a détenu le record de France du lancer de javelot pendant longtemps. Elle a également participé trois fois aux JO, ceux de Séoul, d’Atlanta et de Sydney. D’ailleurs, j’ai eu la chance d’assister à ceux de Sydney en tant que spectateur et de les vivre un peu de l’intérieur. Je pense que ça a participé à ma motivation à faire les JO !, raconte Bastien Auzeil.
Premiers podiums aux championnats d’Europe Espoir, puis au championnat du monde universitaire en 2015 où il finit 2e, son parcours sportif le conduit ensuite aux JO de Rio en 2016 où il finit à la 13e place : Les JO de Rio, c’était l’objectif de ma saison mais aussi celui de ma carrière. Lorsqu’on fait un sport olympique, participer aux JO cela reste le Graal. Pour les préparer, j’étais allé au Musée Olympique de Lausanne pour m’imprégner des valeurs olympiques, comme l’universalité et la fraternité, et de son histoire. C’était mon préparateur mental qui m’avait conseillé ça et cela m’avait aidé à les vivre pleinement, confie-t-il. Depuis quelques mois, le jeune athlète a malheureusement perdu toute ambition de se qualifier aux JO de Tokyo en raison d’une blessure au genou : Lors du premier confinement, je me suis entraîné comme un athlète olympique mais sans matériel, ni infrastructure adéquate. Pour moi, enchaîner 5 années à fond pour préparer des JO au lieu de quatre, c’était trop. Je préfère me dire que je vais participer aux JO de Paris et que je vais donc jouer à domicile, ce qui doit être génial !, ajoute-t-il.
Mathieu Bosredon, champion de handbike
Paraplégique depuis son enfance à la suite d’une erreur médicale, Mathieu Bosredon est à 30 ans l’un des handbikers les plus talentueux de sa génération. Après une quinzaine d’années de pratique rimant avec endurance pure et dépassement de soi, il a été 8 fois champion de France. Le jeune trentenaire a également gravi 11 podiums en coupe du Monde, dont 2 victoires, et a fini 4e dans sa catégorie au JO de Rio, en 2016. Actuellement, il navigue dans les qualifications pour les Jeux de Tokyo : Les JO, c’était vraiment un rêve de gosse, mais je pense que cela m’a desservi. A Rio, j’ai eu beaucoup du mal à rester concentré sur la compétition. En revanche, les JO de Tokyo ne sont pas des jeux qui font rêver. Avec les conditions sanitaires, les sportifs vont être testés plusieurs fois par jour, il va y avoir une quarantaine… mais pas de public. Pourtant, gravir le podium serait une revanche pour moi, sur cette 4eplace de Rio. La problématique que je rencontre aujourd’hui, c’est que ma catégorie sportive a énormément évolué depuis 4 ans : en y faisant rentrer de nouveaux types de handicaps moins lourds, le niveau a beaucoup augmenté au détriment notamment des sportifs paraplégiques. J’ai l’impression qu’en ce moment on a tendance à mettre sur le devant de la scène les athlètes les plus rapides ou les plus impressionnants et que le côté médiatique prend un peu le dessus sur des profils comme le mien. Mais le plus important, c’est que quand on est en situation de handicap, le sport est important, peu importe son niveau ! Il reconstruit des vies, des vies qui ont été traumatisées par des accidents de la route ou des maladies, raconte-t-il.
Vincent Boury, le tennis de table à son plus haut niveau
Champion handisport international en tennis de table, Vincent Boury a été médaillé aux JO d’Atlanta, de Londres, de Sydney et de Pékin. L’athlète nous en dit plus sur son expérience aux JO et sa vision du handisport.
Quel est votre meilleur souvenir des jeux ?
V. B : C’est la Chine. Gagner un titre à Pékin quand on est pongiste, c’est un exploit ! En Chine, le tennis de table est LE sport national, ils sont 120 millions à le pratiquer de manière régulière. Alors quand j’ai gagné mon titre, c’était très fort au niveau de l’émotion !
Comment a évolué le sport paralympique au fil des ans ?
V. B. : De plus en plus de pays participent aux Jeux paralympiques, aujourd’hui les pays d’Asie du Sud-Est ou d’Afrique sont présents, ce qui n’était pas le cas au début. Et surtout, le niveau n’a pas arrêté de progresser. En France, la couverture médiatique est meilleure qu’auparavant : les journalistes suivant les compétitions connaissent dorénavant les différentes catégories sportives et les athlètes. Les JO sont une vitrine pour le handicap. Cela contribue à changer les regards : au lieu de regarder le handicap, on regarde le talent des athlètes, leur performance. Cela apporte une dimension très positive et inspirante autour du handicap, ce qui est assez rare.
Vous avez évoqué votre parcours par le biais de plusieurs associations, notamment La Fraternelle, association multiactivité affiliée à la fédération. Pour quelle raison ?
V. B : J’aime partager mon expérience et montrer que le sport de haut niveau est une source d’inspiration. Je répète souvent que tout le monde peut être un champion de sa vie, que ce soit dans le sport mais aussi dans sa vie personnelle ou professionnelle. J’interviens beaucoup dans les écoles, même en maternelle ou en primaire : j’ai remarqué que les enfants n’en n’ont rien à faire du handicap, c’est la personne qui les intéresse ! Ce qui me motive c’est cette transmission où je parle beaucoup de résilience et d’optimisme.
Gérard Santoro, une figure majeure de la lutte
Fort de quelque 50 médailles glanées en compétition de haut niveau, le lutteur Gérard Santoro a participé aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, Séoul en 1988 et Barcelone en 1992 et a remporté quelques médailles européennes et mondiales. Il nous en dit plus sur son expérience olympique, alors qu’il avait à peine 20 ans. Agé aujourd’hui de 60 ans, ses souvenirs restent intacts : J’ai surtout été époustouflé par mes premiers JO à Los Angeles. Ils avaient été très bien organisés, le cadre était idyllique. J’ai pu vivre les JO de l’ouverture à la clôture, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Pour les Jeux de Barcelone, les disciplines professionnelles comme le basket ou le tennis ont fait leur apparition. Le nombre d’athlètes augmentant sans cesse, on ne pouvait plus rester jusqu’à la fin, il fallait céder la place, explique le lutteur. Outre son impressionnant palmarès, Gérard Santoro a été également entraîneur national des équipes de France masculine et féminine, notamment pour les Jeux d’Athènes et sa belle moisson de médailles : Je me souviens surtout de la préparation ! Un fois qu’on est aux Jeux, tout va très vite. Mais en amont, la préparation était intense, avec une phase en altitude pour faire le plein de globules rouges, puis la récupération dans un climat proche de celui d’Athènes, raconte-t-il. Egalement conseiller technique national à la FSCF depuis de nombreuses années, Gérard Santoro a une expertise et un rôle d’évaluation sur les politiques publiques des quartiers, sur le handicap et l’inclusion : La fédération s’inscrit de par son histoire dans une dimension de solidarité et privilégie dans le domaine du handicap une pratique handivalide avec l’idée de mélanger les personnes valides et non valides afin d’éviter la stigmatisation et favoriser la rencontre, ajoute-t-il.
Koumba Larroque, sur la route des JO
Vice-championne du monde de lutte à 20 ans, Koumba Larroque a aujourd’hui 3 années de plus et cet été, elle défendra les couleurs de la France lors des JO de Tokyo. Sacrée championne d’Europe en avril dernier, elle court son sprint final à quelques semaines des Jeux. Avec une volonté très claire, celle de revenir en France avec une médaille d’or autour du cou : Je suis soulagée que les JO ait bien lieu car je me prépare depuis 4 ans. En ce moment, j’enchaîne les stages à l’étranger afin de combattre des adversaires de tous les pays. Mon entraînement est très intensif, il me prend 3-4 heures par jour avec également du cardio et de la musculation en plus des combats. Je sais que les JO de Tokyo vont être très particuliers, et qu’il va y avoir beaucoup de restrictions. Finalement ce sera juste un lieu de compétition car les athlètes doivent repartir 2 jours après leur match. Mais j’essaie de ne pas y penser et de rester focus sur ma performance. Je vais donner mon maximum, et finalement c’est ça le plus important.
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Jeux olympiques et paralympiques, que la fête soit aussi belle… et utile
Les Jeux olympiques et paralympiques représentent la plus grande fête mondiale du sport, à la fois en termes d’enjeu de performance, de diffusion universelle, de retentissement médiatique. Les Jeux fascinent par le spectacle qu’ils offrent et par l’ambition de fraternité qui les animent, par leur gigantisme, leur impact géopolitique, etc. Décrocher un titre de champion olympique est une quête du Graal aux yeux des athlètes, une valeur qui transcenderait toutes les autres. Quelle fierté pour les hommes et les femmes, les nations, d’entendre retentir l’hymne de leur pays. L’excellence sportive délivre intrinsèquement un espoir dans l’amélioration continue de l’homme par l’optimisation de sa performance. En ce sens, elle est un marqueur de vitalité, un baromètre de la performance nationale qui dépasse symboliquement le strict cadre sportif.
La fédération propose des activités sportives et culturelles à ses adhérents, en ce sens, elle se sent forcément concernée par ce méga-événement, et en particulier par les prochains Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Elle est sensible à la vie des athlètes qui se préparent sans relâche, avec abnégation et montrent ainsi des qualités humaines de persévérance, d’humilité, de courage aussi pour surmonter les obstacles qui se dressent sur leur parcours. C’est le cas par exemple du décalage historique des jeux de Tokyo en raison de la pandémie puisque seules les deux guerres mondiales avaient interrompu le rythme quadriennal des Jeux. La fédération se sent solidaire et fière des athlètes, dans leur condition d’homme ou de femme qui consacrent leur temps dans des conditions pas toujours optimales pour atteindre le sommet.
L’excellence comporte introspectivement le paradoxe d’une attitude qui viserait à améliorer sans cesse les records, comme si leur progression séculaire ne devait jamais s’arrêter. Dans ce sens, la fédération souhaite que l’attrait de la performance ne prenne jamais le pas sur l’intégrité des individus et leur entourage. Comme la société civile a découvert depuis 50 ans les limites d’une croissance linéaire et continue, interrogeant nos modes de vie, la compétition sportive doit s’interroger sur son orientation, toujours plus vite, plus haut, plus fort, à quel prix ? Si l’image du haut niveau peut constituer un modèle pour nos athlètes, le projet éducatif de la fédération peut venir en appui pour construire des sportifs intègres, soucieux de leur excellence dans le respect des autres et d’eux-mêmes.
La quête du toujours plus interroge. La société civile est la première à réagir, auprès des villes organisatrices, pour des motifs économiques souvent, à quoi bon ? À qui vont servir les Jeux ? Pourquoi tant d’énergie pour un événement ? Etc.
À l’occasion des campagnes de candidatures, les sondages en disent long sur le scepticisme des populations. Le CIO[1], depuis plusieurs éditions, dans le souci de sa responsabilité sociale, porte une attention soutenue à l’héritage laissé par les Jeux. Legacy en anglais est très explicite pour désigner la valeur ajoutée attendue pour notre pays. Les opposants veillent en particulier à ce que l’événement ne produisent pas d’effets négatifs sur les populations, l’environnement et cette veille est importante et utile.
Pour 2024, le COJO[2] a porté une candidature responsable, soucieuse de l’impact positif qui sera laissé par les Jeux en termes d’aménagement du territoire. Un défi à la hauteur de l’événement et nous serions heureux que la France et Paris réussissent ce défi de Jeux propres et utiles au plus grand nombre.
L’espace des possibles stimule la créativité. Les lieux, les modes et les temps de pratique, les supports, les publics, les règles peuvent conduire à des innovations comme, vraisemblablement, la possibilité pour des sportifs amateurs qui le souhaitent, de courir sur le parcours que du marathon olympique, de rencontrer des athlètes, etc. Il faut continuer de réfléchir à la participation de la fédération) ce gigantesque rassemblement pour apporter une pierre d’humanité supplémentaire, l’engagement des jeunes aux responsabilités, la fête du sport et de l’olympisme, la mobilisation des volontaires, profiter de la situation sanitaire pour réinterroger le sens de l’association, etc. beaucoup de pistes seront portées localement ou au plan national.
En attendant, réjouissons-nous de l’ouverture prochaine des JO de Tokyo, qu’ils nous apportent leur lot d’émotions et nous mettent en appétit pour ceux que nous accueillerons en 2024.
[1] Comité international olympique
[2] Comité d’organisation des Jeux olympiques
Pour découvrir l’article mis en forme sur le dernier numéro Les Jeunes sorti le 23 juillet dernier, rendez-vous sur la page dédiée.