09/12/2013
COFAC Réunion du C.A. du 14 novembre 2013
Intervention d’Eric FAVEY Secrétaire général adjoint, délégué à l’éducation, à la culture et à la société de l’information de la Ligue de l’Enseignement sur la loi de refondation de l’école. Transcription Claude SCHMIT
Alain de la Bretesche – Eric Favey a bien voulu nous rejoindre à ma demande. Nous nous sommes rencontrés à la Ligue de l’Enseignement, il y a quelques mois, et nous avons évoqué les positions de la Ligue sur la question des rythmes scolaires et en particulier sur la position éventuelle des associations comme interlocuteurs du système pendant les temps déterminés par ces nouveaux rythmes scolaires vis-à-vis des enfants. Pourquoi ai-je demandé à Eric Favey d’intervenir aujourd’hui ? Parce que nous savons tous que la Ligue, compte tenu de ses relations avec le ministère de l’EN, et du fait qu’elle avait anticipé cette affaire depuis longtemps, pouvait avoir sur le terrain une expérience intéressante pour tous.
Alors évidemment, compte tenu des délais pour organiser cette réunion, nous intervenons ce matin à un moment où les choses deviennent complètement dramatiques. Je viens de lire le Figaro, il y en a une page entière avec des propositions de grève d’enseignants, de positions d’associations de parents d’élèves extrêmement critiques, et tout cela dans le contexte général où la popularité du Président de la République est, paraît-il, tombée à 15, ce matin, dans le dernier sondage. Bref, on ne sait plus où on en est !
Mais ce n’est pas parce que c’est dramatique et médiatique, qu’il ne faut pas faire un travail d’analyse un peu sérieux, et donc la venue d’Eric Favey tombe vraiment à point ce matin, sur cette affaire.
Alors chacun d’entre nous voit midi à sa porte, regarde quelle est la position de son association et la prestation de service qu’elle offre habituellement aux enfants ou à leur famille sur tel ou tel sujet, et a un peu de mal à généraliser les problèmes et à voir comment ça se passe. On ne sait pas non plus, parce qu’on n’est pas informés du tout, quelle est la situation générale en France. On sait qu’il y a des communes qui font le travail, d’autres qui ne le font pas. Il y a des communes qui ont décidé de le faire l’année prochaine, mais le feront-elles vraiment ? On n’en sait rien non plus. Et on ne sait pas non plus s’il y a une véritable offre aux associations ; ni la presse de droite, ni celle de gauche n’en parle… En fait, on ne sait pas grand-chose, et c’est la raison pour laquelle je suis moi-même très intéressé par ce qu’Eric va nous dire. Je lui laisse donc la parole pour qu’il nous remette un peu les idées en place, et puis on fera un débat général.
Eric Favey – Merci de me donner l’occasion de venir au CA de la COFAC, pour essayer de vous montrer comment la France est le seul pays au monde, capable de déclencher une guerre civile, sur un aspect d’une loi, ou d’une volonté politique dont on peut penser ce qu’on veut, mais qui a d’autres ambitions que la seule question des rythmes d’apprentissage. Je ne suis ni sociologue, ni spécialiste de l’élaboration des politiques, mais j’avoue que cette étrangeté qui est unique au monde commence à nous questionner beaucoup, nous militants de l’éducation.
On est dans un pays où il y a 8.9 millions de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, 2,7 millions d’enfants et de jeunes de moins de 18 ans qui sont dans la même situation. Pour ma part, j’attends toujours qu’il y ait des centaines de milliers de personnes dans la rue et des grèves massives pour dénoncer une situation absolument insupportable pour un pays qui est le 5e pays le plus riche du monde. Or ça ne se voit pas. Il y a 5,4 millions personnes inscrites à Pôle Emploi. On devrait attendre des manifestations de masse pour dénoncer une situation sans doute pas facile à résoudre, mais qui pourrait générer un élan collectif comme la question des rythmes scolaires pourrait en déclencher un. Je dis bien « pourrait » – mais il relève de l’histoire de l’évolution du fonctionnement médiatique et de l’articulation médias/politiques – que notre pays soit aujourd’hui ravagé par des situations toutes plus ubuesques les unes que les autres, autour de la situation des rythmes et de leurs conséquences. J’écoutais tout à l’heure, un ancien ministre de l’EN aujourd’hui à la tête d’une organisation alternative (je crois), et qui brigue la mairie de sa ville, dire « Il faut arrêter ! Dans ma propre ville, on investit de l’argent pour que les enfants apprennent à faire des scoubidous »… J’étais il y a 2 jours, dans un département pour voir comment se mettaient en place, sur la base du volontariat, des projets éducatifs de territoire (PEDT), je n’ai vu aucun enfant apprendre à faire des scoubidous… et encore, cela aurait-il été le cas, je ne sais pas si vous vous souvenez de l’époque où on faisait des scoubidous, mais je trouve que ça nécessite une dextérité, voire des choix esthétiques pour avoir des scoubidous plus intéressants que ceux du voisin, qui n’est pas sans présenter d’intérêt, y compris en termes artistiques, culturels et technologiques.