Députée et ancienne ministre des Sports, Valérie Fourneyron s’est battue pour que le sport sur ordonnance dispose d’un cadre législatif. Adopté début décembre, l’amendement doit permettre la progression des prescriptions d’activités physiques et sportives.
Concrètement, que change l’adoption de l’amendement « sport sur ordonnance » ?
L’enjeu du sport sur ordonnance est d’améliorer le parcours de soins des 9 millions de patients souffrant d’une des 30 affections de longue durée reconnues, en intégrant la pratique d’activités physiques adaptées comme thérapeutiques non médicamenteuses. Le but de l’amendement était de donner un cadre législatif à tout cela. Il s’agit de la reconnaissance par la loi de la place des activités physiques et sportives dans un parcours de soins pour les patients en cours de traitement ou en phase de consolidation ou de rémission. C’est la concrétisation d’études scientifiques, nationales et internationales qui ont prouvé toute l’efficacité des activités physiques et sportives.
La France était-elle en retard sur ce sujet ?
Dès 2008, l’INSERM estimait que le « développement d’une activité physique régulière » chez les patients apparaissait comme une priorité de santé publique. En 2011, la Haute autorité de santé déplorait le fait que la France était très en retard sur les prescriptions non médicamenteuses. Chez nous, nous sommes en effet dans une culture du médicament qui guérit tout.Aujourd’hui, nous avons donc acté dans une politique de santé publique la place de l’activité physique et sportive. Le sport sur ordonnance est d’ailleurs largement approuvé par les Français, qui se prononcent à 96% en faveur du sport sur ordonnance dans un sondage TNS Sofres pour la MAIF. Concernant la filière médicales, une étude IFOP pour SwissLife réalisée auprès de 600 médecins généralistes dévoile que 92% estiment qu’il est de leur responsabilité de promouvoir l’exercice physique, 82% d’entre eux considèrent que cette prescription par le médecin traitant, telle que proposée par l’amendement, est une « bonne idée », et 72% de ceux qui ne prescrivent pas d’APA (Activité Physique Adaptée) actuellement disent qu’ils le feront demain si l’amendement passe (enquête réalisée avant l’adoption de l’amendement, ndlr).
Ces chiffres le montrent ; le sport santé a-t-il changé les mentalités ?
Le sport santé a une nouvelle image. Je crois que c’est en train d’entrer dans les mentalités : le sport est une thérapeutique non médicamenteuse complémentaire.Je pense que les Français ont franchi une étape ; ils ont dépassé leur culture du 100% médicament.
Quel a été le processus permettant d’aboutir au sport sur ordonnance ?
C’est une construction législative qui est un peu inhabituelle dans notre pays. Elle est à la fois basé sur des études scientifiques et sur une multitude d’expériences concluantes sur le terrain, que ce soit de la part de fédérations sportives, d’associations ou de collectivités locales. Dès octobre 2012, nous avions fait une communication commune avec Marisol Touraine, en Conseil des ministres, sur la place du sport dans une politique de santé. Cela a fonctionné : alors que nous avions seulement deux réseaux « Sport-santé bien-être » en 2012, nous en avons 26 aujourd’hui. Le développement de l’activité physique est croissant sur le territoire grâce aux nombreux partenaires et acteurs publics. De plus en plus d’assurances complémentaires et de mutuelles sont également autour de la table. Je sais que plusieurs viennent de décider d’avoir un droit de tirage pour les patients à 100% afin de prendre en charge leur activité physique.
Vous parliez des mutuelles et des assurances complémentaires, mais la Caisse Nationale d’Assurance Maladie est-elle impactée par le sport sur ordonnance ?
L’amendement dispose d’un cadre d’application extrêmement précis, et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie n’en fait pas partie. Seules les mutuelles qui sont déjà partenaires de réseaux « Sport-santé bien-être », et qui sont convaincues que le sport sur ordonnance est une mesure de diminution des coûts de soins, seront impactées. C’est une mesure parfaitement neutre pour l’assurance maladie, mais qui a en revanche un impact très important pour la qualité et l’espérance de vie de personnes malades.
Maintenant que l’amendement a été adopté, sur quels aspects faut-il être attentif ?
L’évaluation de ce qu’il se passe aujourd’hui et de ce qu’il va se passer demain est indispensable. Il est important, pour aller plus loin sur la place de l’activité physique et sportive, d’évaluer ce qu’on fait et ce qui est mis en place. On voit bien que l’engouement est actuellement important, mais il faudra aussi surveiller l’attitude des mutuelles et des complémentaires santé. L’objectif de cette politique publique est de permettre l’activité physique à tous, quel que soit l’âge et quelle que soit la maladie.
Entrevue de Valérie Fourneyron par Olivier Navarranne
Article issu du journal SportMag n°84 janvier 2016