À partir de plusieurs études épidémiologiques, Fanny Janssen, une chercheuse danoise, a estimé l’influence du tabac sur la mortalité en Europe. Elle rappelle en préambule qu’en 2016, « la planète comptait plus d’un milliard de fumeurs, soit 22% de la population âgée de 15 ans ou plus », avec une perte d’espérance de vie comprise entre 6 et 10 ans dans les pays les plus riches.
En Europe, l’épidémie de tabagisme a commencé dans les pays anglo-saxons et du Nord-Ouest, parce que la production automatisée des cigarettes y est apparue plus tôt du fait de leurs niveaux de revenus plus élevés. Elle s’est ensuite propagée au sud, puis à l’est. Elle a d’abord touché les hommes et ne s’est diffusée chez les femmes que plusieurs décennies après, à un niveau plus faible. Actuellement, elle baisse chez les hommes et semble approcher son pic chez les femmes.
L’Europe reste aujourd’hui la région du monde où la fréquence du tabagisme est la plus élevée : 29% des adultes. La part de la mortalité due au tabac chez les plus de 30 ans y est de 16%, contre 11% en moyenne dans le monde. Elle varie beaucoup d’un pays à l’autre : chez les hommes, de 9% en Suède à 35% en Hongrie et chez les femmes, de 0,1% en Biélorussie à 22% au Danemark. En général, elle est plus élevée chez les hommes en Europe de l’est (27% contre 17% en moyenne), et chez les femmes en Europe du nord-ouest (11% contre 6% en moyenne).
Fanny Janssen a calculé le gain potentiel d’espérance de vie (GPEV) pour 29 pays européens, c’est-à-dire la différence entre l’espérance de vie à la naissance si le tabac était complètement éradiqué et l’espérance de vie constatée. En 2014, chez les hommes, il va de 0,9 en Suède à 5,3 ans en Hongrie, avec une moyenne à 2,7 ans. Chez les femmes, l’écart est de 0,01 en Biélorussie à 2,5 ans en Hongrie, avec une moyenne de 1,0 an. En France, il s’établit à 2,7 ans chez les hommes et 0,7 ans chez les femmes. En 1987, il était à 4,0 ans chez les hommes.
La différence de durée de vie moyenne entre les femmes et les hommes dans les 29 pays européens étudiés est de 6,0 ans : le tabac y contribue pour 28%. L’influence du tabac sur l’espérance de vie a varié selon les époques. Par exemple, aux Pays-Bas, au Danemark et dans les pays nordiques, l’espérance de vie a stagné dans les années 50 et 60, mais elle aurait continué à augmenter, même plus lentement, sans le tabac. Chez les Danoises et les Néerlandaises, elle a stagné dans les années 80 et 90, ce qu’elle n’aurait pas fait sans le tabac.
Fanny Janssen. L’influence du tabac sur la mortalité en Europe. INED. Population & Sociétés, n°571, novembre 2019.